Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

allume, malice philosophique assez semblable au mauvais sentiment du gamin qui renverserait la lampe d’un sanctuaire !

Le R. P. Lacordaire ne l’éteint pas, il est vrai, ce nimbe du surnaturel et du divin autour de la tête pâle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais il le voile, pour qu’on aperçoive mieux combien cette tête est humainement belle et pour que ceux qui sourient du nimbe soient touchés au moins de la beauté du plus beau et du plus doux des enfants des hommes ! En cela, je le répète sans avoir peur de me tromper, si le P. Lacordaire n’a pas fait œuvre de philosophe complet encore, il n’a pas fait œuvre de prêtre : un prêtre n’eût pas tant attendri, tant mondanisé et tant vulgarisé la langue sévère du catholicisme en abaissant, devant les exigences publiques, son surnaturel et merveilleux idéal ; un prêtre ne demande pas pardon pour la divinité de son Dieu !! mais le prêtre, qui s’est oublié, a été vengé par l’artiste qui n’a pas paru, car au fond rien du talent d’autrefois du R. P. Lacordaire n’a passé, en brillant, dans le livre qu’il publie aujourd’hui ! Devenu le Richardson étrange de la Madeleine dans cet inconcevable petit roman d’amitié entre elle et Notre-Seigneur, donné comme le chevalier Grandisson de toutes les perfections humaines, le prêtre qui a consommé une telle chose l’a consommée dans un de ces styles qu’on ne pourra pas louer, même à l’Académie ! même le jour de sa réception !!

On le sait, et sa vie et ses livres l’attestent, le R. P. Lacordaire, comme tous les artistes, et j’ai été tenté d’écrire, les artificiers de parole, est beaucoup moins écrivain qu’orateur. Écrivain, il est souvent faux et froid,