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À Monsieur P. Bottin-Desylles.



Mon très-cher parent et très-cher ami,

Je vous dédie ce livre comme le témoignage d’une admiration qui a commencé dès que j’ai pu comprendre, et d’une affection qui a commencé dès que j’ai pu sentir.

Je désirerais que toutes les pensées qui sont ici, fussent vos pensées, ou qu’il y en eût, au moins, quelques-unes que vous ne désavoueriez pas… Vous l’homme des sentiments exquis en toutes choses, vous devez avoir sur les femmes les idées qu’ont sur elles les esprits délicats, discernants, qui les aiment et qui ne veulent pas les voir se déformer dans des ambitions, des efforts et des travaux mortels à leur grâce naturelle, et même à leurs vertus… Vous êtes, mon cher Desylles, d’une supériorité trop vraie pour ne pas vous connaître en supériorités, et celle de la femme n’est pas où la mettent les Bas-bleus. Elle est dans un charme qui n’est ni la Littérature, ni l’Art, ni la Science. Elle est dans ce qui nous faisait tourner la tête, quand nous avions une tête à tourner. À présent nous l’avons immobile ; mais je n’en ai pas moins (suis-je désintéressé ?) écrit ce livre pour défendre ce charme des femmes, menacé par elles-mêmes, et dans l’intérêt des têtes qu’après nous, elles pourraient tourner encore……

Votre très-dévoué et très-respectueux,
Jules Barbey d’Aurevilly.


Paris, 1877.