Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sont ensemble pour la vie, conjugalement, institutrices et instituteurs. Tout ne finit point par des chansons, dans les romans de Mme André Léo ; mais tout y finit par des Instituteurs et des Institutrices ! Mme André Léo nous donne même le programme de leurs institutions et le voici pour qu’il vous serve : Minéralogie et physique, zoologie et agriculture, philosophie et pas d’histoire…, vous savez pourquoi ? Tous ses romans pourraient s’appeler Bucolique et Zoologie ! Les Pasteurs de Virgile n’y sont pas, mais les agriculteurs du Progrès, avec leurs charrues mécaniques et l’économie philanthropique de la sueur humaine sur le sillon, car le travail, c’est la liberté ! Mme André Léo, cette multiplicatrice d’institutrices comme elle, est aussi une institutrice agricole. Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être. » Et pour dire… quoi ? toute cette éruption de petite vérole panthéistique ? Pour dire qu’entre amoureux qui vont ensemble, le temps paraît court ! Et encore pour dire… qu’on vit l’ombre de deux personnes assises au soleil, elle écrit doctement : « Les deux corps, producteurs de l’ombre, venaient de s’asseoir ! » Quelle production que ces producteurs ! Ce sont là des façons de s’exprimer qui sentent la caque de ce hareng, et ce sont ces charmants langages qui empêcheront, malgré la purulence démocratique universelle, les romans de Mme André Léo de s’asseoir dans l’opinion et dans le succès. On le