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Sodome intellectuelle, vers laquelle nous marchons à grands pas. Il ne faut pas s’épouvanter des mots, lorsqu’on n’a pas peur des choses. Voilà où nous allons, si on laisse faire ces fourmis travailleuses qui nous préparent la société de l’avenir ; si de temps en temps, un vigoureux coup de pied du Bon Sens, dans leur fourmilière, n’écrase pas quelques-unes d’entre elles…


IV


Quant à Mme André Léo, elle s’écrase elle-même sous ses livres et sous leur lourdeur. Elle n’est, en fait de talent, ni une Cléopâtre, ni une Armide. Il est des talents dangereux. Ce n’est pas le sien. Ennuyeux, il le serait davantage. C’est une de ces femmes qui doivent croire que l’ennui, dont elles nous accablent, est une dignité. Elle dépasse en pédantisme de toute sorte, toutes les plus fortes pédantes de l’Angleterre, cette terre natale des bas-bleus, qui les a vomis sur le monde et à qui je voudrais les faire ravaler !

Que sont miss Edgeworth, miss Inchbald Simpson, miss Martineau et toutes les misses du diable de l’Angleterre, qui ont écrit des livres moraux sur l’éducation et sur le mariage, en comparaison de Mme André Léo, l’auteur du Mariage scandaleux et des Filles de M. Plichon ? Que sont-elles, toutes ces sèches et longues institutrices anglaises, qui sentent leur esclavage et qui tordent leurs malheureuses échines sur le pal qui les embroche, et sur lequel elles tournent, au feu du désir… de n’être plus des institutrices, auprès de cette sybarite de Mme André Léo, qui trouve cette fonction d’institutrice savoureuse et voluptueuse et qui, mêlant l’amour de la science à l’amour chaste de l’amour, crée, dans ses romans, des Abeilards sans catastrophes, lesquels font, en même temps, à leurs maîtresses la classe de l’amour ; puis, après les épousailles, ouvrent une école