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montré cette volonté, continue et indépendante, en se séparant bravement des frères et amis, ces enchaînés d’opinion qui voudraient enchaîner tout le monde au nom de la liberté, sur une des questions qui tiennent le plus au cœur de la Démocratie, et que cette recommenceuse éternelle de révolutions et de questions révolutionnaires a recommencé d’agiter !


II


C’est la question du Divorce. Mme de Staël l’a touchée un jour, avec l’éclat d’esprit qui caractérise sa manière ; mais bas-bleu ce jour-là, car, malheureusement, cette adorable femme avait des jours de bas-bleuisme, elle avait montré que nulle créature de son sexe n’a la pensée assez mâle pour résoudre une question à la taille du grand Bonald, puisqu’elle-même, Mme de Staël, ne le pouvait pas ! Mme André Léo qui n’est pas une Mme de Staël, et qui est peut-être assez démocrate pour la mépriser, Mme André Léo, qui doit haïr le catholique Bonald, comme étant trop homme, a voulu se colleter à son tour, avec cette question du Divorce, qui, pour la femme, enferme toute sa destinée ; mais, chose dont il faut lui tenir compte, elle a méprisé les opinions athées de son parti. Je trouve, en effet, dans son roman intitulé : Le Divorce, ces paroles qu’elle met dans la bouche du personnage qui représente l’opinion philosophique de l’auteur. « L’avenir consiste dans la recherche des lois naturelles, révélation incontestable et sûre de la pensée divine. Or, dans le mariage, l’individu peut-il être considéré comme s’il était seul ? Ils sont trois désormais ; lien vivant, indivis, impartageable, qui rive ensemble les deux époux. Le mariage est une loi dont les hommes, pauvres sacriléges, ont voulu faire une institution… Si j’étais législateur, j’écrirais un seul article