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opinions se sont naturellement exaltées des révoltes d’un amour-propre toujours sur le qui vive, quand il n’était pas furibond. Mme Colet se précipita, dès sa jeunesse, dans les idées de la Révolution, parce qu’elle n’était pas princesse et qu’une société où elle n’était pas princesse était nécessairement une détestable société. L’opinion révolutionnaire fut la sienne en bloc. Elle n’était point de force à la modifier. Son livre de l’Italie des Italiens n’est en somme, politiquement et historiquement, que l’opinion révolutionnaire, la passion révolutionnaire, la déclamation révolutionnaire augmentée de la déclamation particulière à cette Enflée qui se croyait grandiose, et qui se boursoufle pendant quatre volumes d’une prose ressemblant à de mauvais vers et de vers ressemblant à de la mauvaise prose. Tout, hommes et choses, est outrecuidamment grandi, dans ce livre sans proportion, excepté elle-même, la lauréate adorée autrefois de l’Académie ; tombée, dans sa vieillesse, jusqu’à n’être plus que la vivandière de Garibaldi, lui cuisinant sa gloire, et mettant dans ses sauces par trop de laurier !

Mais la vivandière n’oubliait pas qu’elle était Corinne et elle alternait avec elle… L’historienne n’est pas tout dans l’Italie des Italiens, et dans cette espèce d’Italie, il n’y a pas que celle des Italiens de l’heure présente ; il y a l’Italie toute seule, la vieille Italie, l’Italie de Raphaël et de Michel-Ange, qui valait bien l’Italie piémontaise de Victor-Emmanuel. Cette Italie des monuments et des musées, Mme Colet nous la badigeonne… Rien de plus favorable encore à la phrase sans pensée, que cette éternelle description de tableaux, si vastement pratiquée dans les livres actuels d’une littérature byzantine… Mme Colet qui n’ajoute rien à l’opinion de tous les imbéciles révolutionnaires, n’ajoute pas davantage à l’opinion de tous les Guides en Italie et de tous les badauds qui en écrivent. Elle copie avec sa plume, tout à la fois romantique et vulgaire, des tableaux de génie, peints