Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II


Encore une fois, c’est la Cosaque promise dans le titre que je voudrais et que tout le monde voudra… C’est elle qui m’y fait faux bond et qui m’y manque, car une femme qui raconte publiquement ses amours n’est pas plus une merveille cosaque que française. En France, nous avons maintenant de ces femmes-là, qui les racontent très-bien avec tous les détails de la chose. C’est autorisé. Les critiques graves trouvent cela curieux et s’en pourlèchent… Bien avant même que la dame cosaque existât, l’homme qu’elle a aimé avec tant de furie, dit-elle, avait été aimé par des femmes non moins furieuses, qui n’étaient pas Cosaques, et l’une d’elles l’enleva, qui plus cosaque est !! Ni les attitudes et les volontés masculines, ni l’indépendance absolue qui se soucie de la réserve et de la pudeur comme d’un vieux jeton, et qui fait de la femme, si charmante autrefois, le plus désagréable inconvénient qui puisse tomber maintenant dans la vie d’un homme, ne sont des choses essentiellement cosaques. Le maniement des armes, les chevaux, le révolver, le poignard, la cravache non plus ! Tout cela est tombé dans les idées communes, même au théâtre ! Lola Montès, dont j’aime à faire planer la mémoire sur ce chapitre, car c’était une bonne fille au fond (quoique très-menteuse et elle s’en vantait !), Lola Montès, qui n’était pas Cosaque, a joué dans son temps de la cravache (c’était là sa spécialité) avec une exubérance qui divertissait toute l’Europe, et la dame cosaque en est beaucoup plus sobre. Dans son livre, si je m’en souviens bien, elle ne cravache que son mari : à tout seigneur tout honneur ! Mais elle a la modération, pleine d’un ancien bon goût, étonnant avec ses attitudes, de n’envoyer de cartel à personne, tandis que la femme la plus joliment blonde et ronde du bas-bleuisme contemporain (Mme Olympe Audouard) a, un jour, proposé un