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IV

Et voilà justement ce que l’Histoire et la Critique que nous allons faire ici devront constater. Nous allons voir si de toutes les femmes littéraires, il en est une seule qui échappe à cette loi d’infériorité. La Métaphysique doit précéder l’Histoire, et nous devions, avant de regarder les bas-bleus du xixe siècle et leurs œuvres, dire à quels principes, à quelle lumière nous allumions notre flambeau.

Quoique nous pensions qu’en fait de femmes, le Christianisme ait mieux compris que qui que ce soit leur destinée, en les internant dans le sentiment ou en les déportant dans les vertus, nous voulons pour elles être moins cruel que saint Paul qui disait : Contineant in silentio. Mais pour être nos semblables, en nature humaine, doivent-elles se donner, — comme elles le font, — pour nos égales ?

— Un jour, dit le charmant apologue de Brucker, le petit cercle dit au grand cercle : Je suis ton semblable.

Et le grand cercle, qui était bonhomme, le laissa dire ; mais le petit cercle, devenu fort par la longanimité du grand cercle, ajouta : Je suis ton égal.

Et le grand cercle lui passa la jambe.

Eh bien ! la femme, qui est le petit cercle, passera-t-elle la jambe à l’homme, qui est le grand, ou l’homme continuera-t-il de la lui passer ?…

C’est là ce que nous allons voir.