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III


C’est que « bon sang » ne saurait mentir. Mme de Belgiojoso a peut-être été littéraire comme elle fut révolutionnaire, quelques jours. Peut-être a-t-elle commenté ou traduit saint Augustin, comme elle a pansé plus tard, sœur grise amateur, les blessés des hôpitaux de Rome ; car il faut rendre justice à Mme de Belgiojoso, il y eut encore du christianisme dans ses folies et c’est ce qui les lui fait pardonner. Littéraire ou révolutionnaire, elle est restée chrétienne dans ses troubles, et, devenue Asiatique, elle est chrétienne encore. Elle l’est plus que jamais devant les horreurs de la corruption musulmane, dont le hideux spectacle lui fait serrer plus étroitement sur son cœur sa croix d’Italienne et son image de saint Charles Borromée. La patricienne que nous avons vue dans Mme Daniel Stern, beau type de médaille effacé, déformé, mais reconnaissable, a bien moins fléchi dans Mme de Belgiojoso, dont le bronze était plus solide et plus pur. La femme de race qui fait souvent de ces miracles, la femme dont les pères ont héroïquement agi, ne pouvait pas se prendre longtemps dans une écrivaillerie drapée et orgueilleuse. Elle devait être impatiente d’agir, et elle a agi à son tour. Elle ne pouvait pas descendre jusqu’à la philosophie, et si elle allait seulement à mi-chemin, elle devait remonter sous l’invisible pression de dix générations d’ancêtres.

Aussi, même dans l’erreur, Mme de Belgiojoso a gardé son sexe, son rang, sa qualité, tout ce que Mme Stern a perdu volontairement et irrémédiablement par sa faute, en déchirant sa robe comme Caïphe et en reniant le Seigneur dans des philosophies menteuses. D’ailleurs, si elle fut littéraire, Mme de Belgiojoso ne fut jamais une pédante, et si elle eut quelques-unes de ces affectations d’une fonction qui grimace toujours dans la femme, parce qu’elle ne lui convient pas, elle les a