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D’autant plus grande, cette poëte qui s’ignore, abîmée dans l’humilité et le flamboiement de sa foi, qu’elle ne veut pas l’être, — qu’elle ne pense pas une minute à l’être, pas plus qu’elle ne pense à la science, à la sûreté de sa divination, vraie pour elle, mais qu’elle ne donne pas comme l’éclair fixé de la certitude. Le grand cœur qui seul est évident ici, le grand cœur à qui la douleur de la vie mortelle a expliqué la vie d’après la mort, n’a pas plus voulu être poëte que la tête qui a déduit de telles espérances des faits et des paroles de l’Évangile ne veut être théologienne. Répète-t-elle assez de fois qu’elle ne l’est pas, dans son livre !… Elle a raison. Il ne faut pas qu’on s’y méprenne, et certainement on s’y méprendrait.

Mme de Gasparin a marqué des signes d’un protestantisme trop ardent et trop déterminé les précédents écrits que nous avons d’elle pour qu’on ne suppose pas, dans une de ses publications, une intention de théologie au compte et au profit de son Église, et ici, qu’on le sache bien, cette intention n’existe pas. Dans l’auteur des Horizons prochains et des Horizons célestes, la chose sèche, arrêtée, définie, ergoteuse, qui est la protestante, se fond et se perd de plus en plus en ce dissolvant de feu qui est l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, et nous espérons bien qu’elle s’y consumera tout entière. Aujourd’hui, ce n’est encore qu’une âme chrétienne qui dit simplement, sincèrement, mais passionnément aussi, tout ce qu’elle pense et ce qu’elle croit. Seulement, même pour nous catholiques, ce qu’elle dit est puissant et beau !

Pour ma part, j’ai vu peu de choses sentimentalement aussi belles. J’ai peu vu de ces langages, inouïs d’ardeur, de mouvement, d’aspiration, d’expression inspirée, poignante, navrée ou héroïque dans la douleur et dans l’amour ; j’en ai peu vu de pareils, même dans les livres, religieux ou profanes, qui passent pour les plus passionnés, pour les plus chauffés au feu des brûlantes larmes humaines. Je n’ai rien entendu de plus déchirant