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pages où l’esprit parfois étincelle ! Après cela, qu’importent quelques faiblesses ! La Vallière était plus touchante, de cela seulement qu’elle boitait !


VI


Il y a neuf mois à peu près que nous parvinrent ces Horizons prochains, dont l’auteur, qui est une femme connue par d’autres écrits, a fait le meilleur de ses titres, et qu’elle préfère à son nom. Ces Horizons prochains étaient, comme vous venez de le voir, un recueil de nouvelles d’un ton fort rare, dans la littérature contemporaine, car ce ton était celui d’une mysticité singulièrement émue, mêlée aux réalités extérieures d’une observation très-bien faite. Malgré les ressemblances de manière et des incertitudes de touche, les Horizons prochains étaient un vrai chef-d’œuvre tremblé, il est vrai, mais tremblé par une main exquise, et nous dîmes sincèrement, — si on se le rappelle, — et les débilités (presque charmantes) du chef-d’œuvre et la beauté pure de la main. Aujourd’hui, l’auteur des Horizons prochains vient de nous donner des Horizons encore. Ce sont les Horizons célestes qui ont bien mérité leur nom. Ils sont à leur tour un chef-d’œuvre non tremblé, mais appuyé plutôt. La main qui les a tracés s’est affermie. L’indécision a disparu dans la lumière, et l’originalité a jailli, nette, du fond lumineux !

L’auteur des Horizons célestes n’est plus que lui seul. Dans ces premiers Horizons il avait trop lu Michelet. C’était son Satan littéraire. Eh bien ! ce Satan est maintenant vaincu. Il n’induira plus dans la tentation de sa forme un esprit qui péchait contre soi-même, en l’imitant, car toute imitation est un péché et un triste péché, le péché des faibles en littérature. Or l’auteur des Horizons célestes est devenu fort, en ces neuf mois qui suffisent à créer la vie. Comme un aigle qui se serait pris dans un