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précepte, et le reste vous sera donné comme par surcroît. C’est l’histoire de la femme qui a écrit les Horizons prochains. Elle aime Dieu, avec quelle tendresse ! elle aime le prochain, avec quelle charité ! et elle a le reste, — le reste auquel elle ne tient peut-être que pour Dieu, pour le service de Dieu encore ! pour en faire un attrait vers lui ! L’auteur des Horizons prochains est évidemment une âme active, plus active que contemplative, quoiqu’il y ait de la contemplation dans tout peintre de la nature et de l’âme humaine. Or l’activité du cœur et l’ardeur de la foi poussent au prosélytisme ; et c’est ce prosélytisme embrasé d’une croyante qui voudrait partager le pain de sa vérité avec l’univers, qu’on respire dans ce petit livre, offert aux imaginations désoccupées dans un but que l’auteur est trop habile pour ne pas cacher !

Oui, le prosélytisme est le fond de ce livre, et en écrivant ce mot-là qui paraît bien gros en parlant d’une chose si finement touchée, nous avons dit le secret de celle qui l’a écrit. Cette femme n’écrit point pour écrire. Elle n’écrit pas pour l’honneur que cela rapporte aux femmes ; — à ses yeux, peut-être comme aux nôtres, un assez triste honneur ! Elle écrit pour entraîner les âmes du côté où elle croit la vérité. Pour nous, la vérité n’est certainement pas du même côté que pour elle ; mais les protestants ont encore de beaux fragments de ce que, hélas ! ils ont brisé ; et quand tout croule, pulvérisé par le rationalisme, une plume qui croit à la divinité de Jésus-Christ et qui la proclame, peut faire du bien à beaucoup d’âmes, et nous, catholiques, nous devons y applaudir et même y aider.

D’ailleurs, nous l’avons déjà dit, la femme des Horizons prochains est une âme catholique qui s’ignore. Elle n’a rien, du moins dans ce livre d’aujourd’hui, ingénu et fin, — ingénu de ton, mais fin de visée, — elle n’a rien de la raideur et de la sécheresse proverbiales qu’on attribue aux protestants. De nature, elle ne l’est point,