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blement longtemps habité, que l’auteur des Horizons prochains a placé la scène de ces romans de courte haleine, dont il commence par nous dessiner la vignette.

Talent d’expression, non de composition, l’auteur des Horizons prochains est un conteur de la plus extrême simplicité ; ses Nouvelles (presque sans événements) sont plutôt des études de têtes sur fond de paysage qu’autre chose ; seulement le paysage est si exubérant et si foisonnant, et ces belles têtes pâles, mourantes ou malheureuses, y portent si bien ou le nimbe de la sainteté ou l’auréole de l’idéal, que l’effet qui résulte de tout cela va parfois, — malgré les ténuités de femme qui s’y mêlent, — jusqu’à la grandeur.

Aussi, l’attendrissement que nous causent ces simples histoires ne nous fond pas le cœur, mais nous le fortifie ; et c’est là la caractéristique de l’écrivain. Son livre vous pénètre, mais il ne vous dissout pas misérablement dans les larmes. Au contraire. Après l’avoir lu on se sent plus apte à vivre et plus disposé à accepter le calice d’amertume que nous tendent les Anges invisibles ! La sentimentalité est le sensualisme de l’âme, et l’auteur des Horizons prochains ne veut d’aucun sensualisme. Âme saine et vaillamment religieuse, elle cherche à exercer une influence meilleure que celle de l’art qui ne vise, lui, qu’à la beauté et à l’émotion, et cette influence, elle l’exerce, tout en produisant bien souvent l’émotion qu’elle ne cherche pas et en réalisant la beauté !

Il y a, en effet, l’une et l’autre, comme l’art les veut et les réalise dans ces histoires des Trois Roses, de la Tuilerie, des Sources, de Marietta, etc., — des Trois Roses surtout, le chef-d’œuvre du livre, dans cette variété de mourantes ; ces trois fleurs, d’un blanc si différent dans le lumineux et qui ne se fanent point pour mourir ! Mais cette émotion et cette beauté sont là comme par surcroît. La pensée de l’écrivain et son inspiration sont plus haut qu’elles.

Aimez Dieu et gardez ses commandements, dit le