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s’est promenée en homme, dans ses livres, elle en reste éternellement gauchie. Femme gauchie et homme gauche, impuissant hermaphrodisme de deux disgrâces ! C’est là ce que je trouve dans Mme Daniel Stern, l’auteur de l’Histoire des commencements de la République aux Pays-Bas !

Elle l’a signée encore Daniel Stern, tout court, tenant à garder les culottes que le monde et le temps commencent à lui ôter… Madame la comtesse d’Agoult doit être, si je ne me trompe, la petite-fille, par mariage, ou la petite-nièce, de ce capitaine des gardes-françaises qui mit si prestement à la porte les premiers polissons parlementaires de la Révolution, féconde depuis en polissons du même genre, et qui, s’il revenait au monde, ce capitaine Haut-la-Main ! n’aurait pas, j’imagine, beaucoup de respect pour les culottes philosophiques que sa petite-fille s’obstine à porter. Elles sont, en effet, philosophiques, ses culottes. Mme Daniel Stern, qui, pour tout au monde, voudrait être Monsieur, a des visées à la Philosophie, comme à la Politique, comme à l’Histoire, comme à toutes les études viriles… Un jour pourtant, on l’a vu, elle s’est oubliée jusqu’à écrire un roman bien froid ! — glissade de femme sur la glace ! — mais tout de suite, elle est retournée aux austères travaux pour lesquels, de bonne foi, elle se croit faite. Si je m’en souviens bien, elle a publié une histoire, à considérations philosophiques, sur la République de 1848, car elle est républicaine, Mme Stern. Elle est républicaine, parce que c’est plus viril, plus farouche, plus Hercule comme cela.

« Son grand eunuque noir, qui rit de son transport,
« Lui dit qu’il est Hercule. Il le croit… et s’endort ! »

Je ne suis ni eunuque, Dieu merci ! ni noir, et je ne ris point du transport de Mme Stern, mais elle se croit Hercule et ne s’endort pas ! Et même elle se croit mieux qu’Hercule, qui fila un jour aux pieds d’Omphale. Elle,