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malheur était venu de ce premier regard, sorti de ces trous par lesquels, dit Bossuet, Dieu verse la lumière dans la tête de l’homme, et qui, sous le front balafré du prêtre et la pointe de son capuchon, semblaient deux soupiraux de l’enfer : la bouche en feu du four du Diable, disaient ces paysans qui savaient peindre avec un mot, comme Zurbaran avec un trait. Quand on se reportait aux bruits qui avaient couru sur l’abbé, et dont l’écho ne mourait pas, on était haletant de voir quelle mine il aurait, en passant le long du banc de sa victime (car on la croyait sa victime), le jour où il allait dire la messe et consacrer le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’était une épreuve ! Il se jouait donc dans toutes ces têtes un drame dont le dernier acte était arrivé et qui touchait au dénoûment. Aussi me serait-il impossible de peindre l’espèce de frémissement de curiosité qui circula soudainement dans cette foule quand la rouge bannière de la paroisse, qui devait ouvrir la marche de la procession, commença de flotter à l’entrée du chœur, et que les premiers tintements de la sonnette annoncèrent, au portail, que la procession allait sortir. Qui ne sait, d’ailleurs, l’amour éternel de l’homme pour les spectacles et même pour les spectacles qu’il a déjà vus ? Cette bannière, qui ne sort guère qu’aux grandes fêtes, et de laquelle tombent, comme de ses glands d’or et de soie vermeille, je ne sais quelle influence de joie et de triomphe sur les fidèles, la croix d’argent, avec son velarium brodé par des mains virginales, cette espèce d’obélisque de cire blanche qu’on appelle le cierge pascal et qui domine la croix de sa pointe