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a inspirée. C’est le machiavélisme des cœurs les plus tendres. C’est aussi la seule explication qu’il y ait de ces résistances de lionne, sous prétexte de vertu, dans des organisations si bien combinées pour la défaite ; résistance dont la pensée ne viendrait jamais aux filles d’Ève, si elles n’avaient appris de mesdames leurs mères « que se donner, c’est diminuer l’amour ».

Cette vieille tradition, si bien justifiée par l’expérience, cette inébranlable notion du catéchisme des petites filles, semblait être la limite que Mme de Gesvres opposait à M. de Maulévrier. L’orgueil de cette femme était donc ici en défaut ; cet orgueil titanique de la beauté la plus célèbre de son temps et qui lui faisait souvent dire, avec le plus somptueux de ses regards, que les femmes qui valaient quelque chose devaient attacher par leurs faveurs mêmes, n’osait pas risquer les hasards de la plus grande de toutes en l’accordant. Certes ! ni son passé ni sa réputation ne l’accusaient d’être cruelle, et il était, d’un autre côté, après tout ce qu’elle avait autorisé en ne le défendant pas, impossible à M. de Maulévrier de penser tout bas ce que disait tout haut le roi Henri III d’une des princesses de la maison de Lorraine, qui lui avait assez impertinemment résisté. Le mot de l’énigme était donc dans la tête ou dans le cœur de cette femme, mais pas ailleurs ! C’est en