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comparant cet amour à l’impuissance d’aimer de la marquise ; et celle-ci, dont le noble esprit était fait, du moins, pour tout comprendre, enviait, avec un regret plus inconsolable que jamais, le sentiment dont elle était privée, quand M. de Maulévrier lui racontait tout ce que ce sentiment inspirait à Caroline de touchant, d’aimable et de bon.

Et comme, en dehors des mille vanités de la femme qui la faisaient si souvent extravaguer avec tant de charme, Mme de Gesvres, à force de bon sens, finissait par avoir un cœur excellent, elle apprécia dignement la conduite de Mme d’Anglure et elle se sentit vivement attirée vers la malade, quoiqu’elle crût — illusion analogue à celle de Caroline — que M. de Maulévrier, qu’elle avait pris au mot dans la dernière comédie qu’il avait jouée pour exciter sa jalousie, était revenu à celle qu’il avait si longtemps aimée. Seulement, quelle que fût alors sa sympathie, elle savait bien qu’avec les convictions de Mme d’Anglure et ce qui s’était passé entre cette dernière et M. de Maulévrier, elle ne pouvait convenablement se présenter chez Caroline et lui témoigner l’intérêt sincère dont elle se sentait animée. Bizarre chose que les relations humaines, dans lesquelles les meilleurs sentiments sont très souvent inexprimables, et ce qui serait vrai, impossible !

Plus l’état de Mme d’Anglure empirait, plus