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V

allan à madame de scudemor.

« Vous qui m’avez pénétré une fois, ne pouvez-vous donc pas me deviner une seconde ? N’êtes-vous donc pas la créature supérieure que j’imagine ? Ne savez-vous point ce qui me pousse à vous écrire ? Et si vous le savez, oh ! pourquoi cette manière d’agir tout à la fois incompréhensible et cruelle ? Écoutez-moi :

« Vous avez vu que je vous aimais. Ce n’était pas bien difficile ! L’amour que je me sens dans la poitrine brûlerait les yeux des aveugles, et vous étiez femme et vous aviez passé l’âge de la jeunesse, deux raisons pour que vous ne pussiez vous méprendre sur ce qui avait sa cause en vous… Vous vous êtes méprise, cependant, Madame. Vous avez cru que mon amour pour vous n’était qu’une fantaisie d’adolescent, une germination du printemps qui mourrait flétrie avant la chute des feuilles, quelques gouttes de sang de plus dans mes veines ; et si vous avez été vraie dans vos paroles, c’est une erreur et une humilité pour lesquelles je vous admire, car vous êtes alors une exception parmi les autres femmes et c’est toujours beau d’être une exception. Seu-