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et doux comme l’âme qui l’accepte… Mais à peine si Camille le remarqua… Du seuil de la chambre, son regard était tombé sur cet enfant qui dormait, dans les plis ouatés d’une couverture de satin rose, comme un Amour antique dans sa conque de nacre.

Elle poussa un cri déchirant, — puis elle se précipita vers le lit de sa mère et, saisissant de ses deux mains l’agonisante par ses longs cheveux, elle la souleva ainsi, malgré les efforts d’Allan pour lui faire lâcher prise, et, désignant l’enfant qui dormait :

— Si tu n’es pas morte, Yseult, — hurla l’impie, — réponds-moi ! À qui est cet enfant ?

La douleur que la cruelle Camille lui causa n’arracha pas un cri à Yseult. Elle ouvrit un œil sans courroux, et répondit : — Il est à moi.

— Et à qui encore, femme menteuse ? — reprit avec rage la jalouse trompée.

Yseult, qui expirait, eut assez de force pour prononcer distinctement le nom d’un de ses valets.

— Cela n’est pas vrai ! — dit mélodieusement Allan. — Vous avez deviné, Camille. Cet enfant est à moi.

À cet aveu de son mari la malheureuse roula, comme une masse, sans connaissance sur le tapis. Mais ses mains, qu’elle avait impliquées dans les cheveux de sa mère, entraînèrent la tête débile d’Yseult et la firent pendre du lit vers la terre. Allan chercha à les en dégager. Il ne put jamais. Il fut obligé de couper avec des ciseaux les cheveux d’Yseult. Au moment où il la relevait sur le lit, elle lui dit : « À elle plutôt… » parole presque inintelligible qu’elle ne put achever.

Alors, comme il avait relevé celle qui était trépassée, il