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âme virginale au moment où toutes les affections s’éloignaient pour ne jamais revenir ; et, en vérité, il est bien permis de confondre ce qu’on éprouve avec de l’amour, et beaucoup de femmes l’ont confondu, sans nul doute. Éternellement tendres, elles ont dû se méprendre aisément sur l’ardente reconnaissance qui renouvelait d’un sentiment leur cœur vieilli, veuf et affligé. Voyageuses brûlées de tous les soleils, fatiguées de tous les orages dans ce désert qu’elles achèvent de traverser seules, et sans se plaindre d’une soif qui demeurera désormais inapaisée, une affection — à n’importe quel titre — n’est-elle pas pour elles comme un verre d’eau de la rosée du ciel, donné au nom d’un Dieu miséricordieux ?… Mais quand cette affection est un amour comme ceux de la jeunesse écoulée, n’y a-t-il pas une douceur, plus suave encore que celle des premières années, dans cet amour sur lequel on ne comptait plus ?… La vie, on la croyait finie et enterrée dans son cœur. On croyait que des touffes d’herbes verdissaient dans ce cimetière de la poitrine où les tombes s’effacent comme ailleurs, et voilà qu’on se trouve une vivante affection, une dernière touffe de fleurs à y recueillir encore et non pas à y ensevelir ; une affection que l’on souhaiterait à sa fille pour sa dot ! La maternité humaine a beau être sublime, elle ne tient pas contre une pareille épreuve, — et, quoique sans amour à rendre pour l’amour qu’on a inspiré, ce n’est pourtant pas la blonde tête d’un fils qui passe le plus dans la nue des rêves comme un astre bien-aimé, quoique ce soit une tête aussi adolescente tant il est vrai que, pour les femmes, le fruit de leurs entrailles peut être moins sacré que la création de leurs regards !

Cependant, madame de Scudemor avait repris son air