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geâtre, avant que les gens de ces campagnes eussent recommencé leurs travaux.

Alors, couché près de Camille, Allan pensait à Yseult qu’il avait bien fallu laisser seule pour revenir près de sa femme, à laquelle il devait tout cacher. Il avait appris du médecin, qu’il avait reconduit à la grille du château, que la mort d’Yseult n’était pas imminente grâce à la force dont elle était douée, et que sa vie pouvait se prolonger pendant quelques jours. Cette considération seule, — et non l’ordre de madame de Scudemor, — l’avait décidé à la quitter et à retourner dans la chambre de sa femme. Par le plus heureux des hasards, celle-ci ne s’était pas réveillée.

Le repos, dont Yseult avait un tel besoin après des secousses si violentes, ne fut que l’atonie de la fatigue. Quand le jour commençait à noyer la flamme jaune de la veilleuse dans ses blanches et vives splendeurs, elle contempla avec douceur, sinon avec tendresse, l’enfant posé sur son sein. C’était une fille. Elle aurait mieux aimé que ce fût un fils, car elle savait que les femmes les plus fortes succombent toujours dans leur combat avec le nombre, — héroïnes que le nombre abat. « Si j’avais la superstition des bénédictions, — pensait-elle, — je te bénirais, ô ma fille, pour m’avoir condamnée par ta naissance à mourir ! »

Ce jour-là et les suivants on sut, aux Saules, que madame de Scudemor était malade à garder le lit. Ses femmes de chambre firent le service autour d’elle ; Camille, elle-même, vint la voir dans le jour à plusieurs reprises, et personne ne se douta qu’un enfant dormait là, caché sous la couverture de sa mère. Lorsque cet enfant allait se réveiller, Yseult trouvait bien un motif pour éloigner les personnes qui étaient dans la chambre. Sa manière d’être