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XVIII

Une nuit, — une nuit d’été et d’orage où la chaleur accablait et rendait le sommeil aussi profond qu’une apoplexie, Allan se souleva dans l’obscurité et se mit à écouter si Camille dormait à côté de lui. Souvent il l’avait crue endormie qu’elle veillait, pleurant dans les ténèbres, il l’appela avec précaution et à plusieurs reprises, et, voyant qu’elle dormait, il sortit du lit et s’habilla à la hâte.

Il regarda machinalement à travers les fenêtres. Le ciel était d’une couleur de cuivre avec d’épais nuages par places et, de seconde en seconde, un pâle éclair filait à l’horizon suivi d’un grondement rauque et sourd. Les saules du marais étaient immobiles. Pas un bruit que ce tonnerre lointain ne venait du dehors. C’était une nuit solennelle et inquiétante pour Allan, car, en s’approchant, le tonnerre pourrait bien réveiller Camille. Aussi disposa-t-il les oreillers autour de la tête de sa femme de manière à intercepter le bruit de l’orage. Elle pouvait étouffer de chaleur concentrée sous les oreillers entassés autour d’elle ; déjà même une sueur épaisse lui coulait du front et Allan la sentit mouiller sa main qui l’effleura par hasard, mais il n’eut aucune pitié. Il poursuivit ses arrangements