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les emportements de la femme jalouse, il les eût maintenant préférés aux ardentes confiances et aux tendres expansions de l’amante rassurée. Il n’y répondait qu’avec la gaucherie de la froideur. En vain, en la voyant si tendre et si fidèle, repoussait-il l’idée d’affliger un cœur tout à lui. Il se disait qu’il lui donnerait toute sa vie. Don insuffisant à la place de l’amour, cette tunique qui emporte nos flancs avec elle quand on essaye de l’en arracher ! Mais cette inepte générosité d’une heure ratifierait-elle, huit jours après, les engagements qu’elle aurait pris ?… Le mal était irréparable… Ce n’est pas vrai, comme on l’a prétendu, qu’en amour il y a un ver marin qui bouche avec des perles les trous faits au précieux coquillage ; il n’y passe que l’eau de la mer qui est salée et rongeante, qui ternit et qui mord un peu plus… Telle est la vie, telle est notre âme. Elles ne seront pas déchirées, les pages qui vont suivre, — car il n’y a probablement plus que les athées de l’amour, vivants désespérés au milieu des autels renversés et des idoles brisées de la vie, qui puissent continuer ce triste récit…