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VII

Cette lettre fit faire à Allan de nouveaux pas dans l’épouvante. Elle lui découvrait des horizons et des orages au fond de ceux qu’il avait aperçus dans l’avenir. Quelle était donc cette jeune fille qui s’attachait à lui de toute la force d’une affection unique, faible créature dont les besoins de bonheur étaient d’une telle intensité ?… Il comprenait que ce n’était pas en vain qu’elle l’aurait aimé et qu’elle ne lui faisait grâce d’aucune des possibilités d’être heureuse… Essai cruel qui finit par le désespoir ! Il se demandait comment il soutiendrait la lutte avec cette femme d’une passion si désordonnée d’être heureuse à tout prix, quand elle était déjà si forte de l’amour qu’il s’était surpris pour elle. S’ignorer tant d’un côté, se savoir si bien de l’autre, lui paraissait une chose étrange et menaçante. Quel cri tout humain retentissait à travers ces merveilleuses puretés de soupirs et ces tendresses fraternelles ! Oui, c’était une chose étrange et formidable. Quand les passions n’ont pas encore perdu le caractère de l’innocence, elles cachent l’infini dans leur sein.

Les dernières lignes de la lettre de Camille lui revenaient à l’esprit comme un doute. Soupçonnait-elle le secret