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III

Revenue aux Saules avec ce sentiment de regret, mademoiselle de Scudemor revoyait le pays qu’elle n’aimait pas et auquel l’hiver enlevait ce qui aurait pu lui rappeler faiblement l’Italie. Si Allan n’avait pas été si affectueux pour elle, elle aurait été bien malheureuse. Jamais elle n’avait fait la moindre allusion au bonheur qu’elle avait éprouvé quand il s’était rapproché d’elle et qu’il l’avait traitée comme autrefois. Mais ce bonheur inespéré la soutenait contre les ennuis du présent et les pressentiments de l’avenir. En effet, sa position était assez triste. Elle allait passer l’hiver dans la plus complète solitude. Ce qu’elle avait vu du monde, où sa mère l’avait conduite en Italie, avait éveillé ces instincts qui sont dans toute femme et qui leur font aimer les fêtes, les parures, toute cette vie des yeux qui précède toujours celle du cœur. Il semblait qu’elle surtout dût préférer l’éclat, le mouvement, la rapidité de ces ivresses qui se croisent dans la tête d’une jeune fille qui va dans le monde, à la vie paresseuse, au retirement de la vie domestique. Ce n’était pas une contemplative, — une Minna aux cils longs, tristes et noirs