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pas la lassitude, elle était défaite, ce jour-là, comme si c’avait été son début dans la peine, son premier choc contre ce qui brise, la première larme du pleur éternel de la vie !

Hélas ! c’est que — comme elle l’avait dit à Allan — elle avait conscience qu’elle ne pouvait rien, pas même feindre, sans que l’Arimane de sa destinée ne vint donner un démenti flagrant à ses efforts de dissimulation et d’habileté. C’est qu’elle n’aimait pas Allan, et qu’elle n’avait pas pu l’abuser par les apparences de l’amour. C’est que, chétive actrice, malgré l’énergie de sa volonté et sa fascination de femme, elle n’avait pu s’identifier avec un rôle dont l’humiliation avait été comptée pour rien devant l’espérance du succès. C’est que la Pitié, toujours obéie, lui restait encore, mais sans une ressource ; pitié qui s’était prise à tout et à qui tout avait manqué, qui retombait une dernière fois sur elle-même, mais que cette chute au fond du désespoir brisait un peu plus, et ne faisait pas mourir !