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tait au fond de sa fournaise, dans le calice écarlate d’une capucine épanouie.

— Va-t’en donc, ma pauvre gentille, puisqu’il ne te trouve pas jolie ! — dit la fillette avec dépit et tristesse, en lâchant l’insecte et la fleur. Et sa tête se pencha découragée sur son épaule. Il y a donc des déceptions cruelles à quatorze ans ! Le regard dédaigneux d’Allan avait rendu tout honteux le front heureux de la petite fille, comme l’aurait fait un reproche de mère. Il vit bien qu’il l’avait blessée, et ce n’était pas seulement à la main trop durement étreinte en l’écartant, c’était au cœur plus délicat encore. La susceptible enfant ne dit pas un mot et fut pour s’éloigner, mais Allan, qui se reprochait sa violence, la retint doucement, la main dans les siennes, et la regardant, cette main qu’il avait rougie et qu’il baisa :

— T’ai-je fait mal ? — lui demanda-t-il avec inquiétude.

— Non ! — dit-elle, en mentant fièrement. Mais sa physionomie si ouverte, il n’y avait qu’un moment, s’était refermée, et ses charmants sourcils s’étaient froncés.

— Pardonne-moi ce mouvement involontaire, — reprit Allan, avec insistance, — pardonne-moi si j’ai été cruel. Depuis quelques jours ma disposition d’âme est si misérable que je ne suis vraiment pas digne de jouer avec toi. Laisse-moi, je t’en prie, ma chère Camille. Rentre au château. Le froid du soir va tomber tout à l’heure. Moi, j’ai besoin d’être seul encore. Va ! bientôt je te rejoindrai.

Elle l’écouta et partit lentement, mais rigide, froide et muette. On voyait qu’elle n’avait rien accepté des paroles réparatrices d’Allan. Seulement, la pensée qu’elle emportait ne transpira pas. Elle s’en alla, l’index de sa main