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gnarde-moi des détails de tes confidences ! Répète-moi ce qu’il trouvait de plus beau en toi et ce que tu lui abandonnais avec le plus d’ivresse, et les caresses qu’il préférait, et celles que tu lui demandais davantage ! Oh ! n’as-tu pas — laisse-moi chercher ! — n’as-tu pas sur ce corps qu’il a délaissé, sans pouvoir te rendre l’âme qu’il t’a prise, n’as-tu pas quelque stigmate d’ineffaçable caresse, la morsure profonde d’une dent qui coupa, l’empreinte d’une succion folle ou quelque trace d’un ravage plus secret encore ? Montre-la moi, dénude-la, avec l’orgueil et le regret de la passion qui a été heureuse, mais qui n’est pas assouvie ! Où que ta bouche puisse atteindre, baise avidement devant moi ces vestiges accusateurs pour y chercher l’humidité des lèvres qui n’y est pas demeurée, et pour frissonner et mourir en imaginant l’y retrouver ! Ne me fais pas grâce d’une seule des délices ressouvenues dans des égarements solitaires, rendus plus acres et plus insensés par l’idée de l’affreuse impuissance qu’ils trahissent ! Plonge-toi jusqu’aux reins dans la passion qu’ils disent immonde, parce qu’ils la jugent de sang-froid, et qui est si belle, qu’il n’y a plus de bourbier pour elle au plus épais, au plus infect des fanges de la terre ! Puis viens à moi, te glorifiant de tes souillures parce que ton amour y resplendit, et de la fureur de tes souvenirs, et de l’impudence de tes aveux ! Viens à moi qui te comprendrai, et qui te renverrai la bénédiction pour la torture. Tu me seras éternellement sacrée, car tu m’auras soulagé de tout ce que je souffre en me rendant ma jalousie !

Il s’arrêta épuisé, une écume blanchâtre aux lèvres, et les yeux livides… Elle, divine comme une femme insultée et qui n’a pas même besoin de pardonner, avait croisé ses