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tout dans les destinées humaines ; serpent qui vous lie les pieds, les mains, le torse et la gorge, quand vous voyez mourir, à trois pas de vous, vos enfants !

Il la prit au cou à deux mains avec violence, comme s’il allait l’étrangler :

— Ô Yseult, — dit-il, — Yseult, rends-moi ma jalousie plutôt, ma jalousie cruelle, concentrée, dévorante, rends-la moi ! Tu me feras tant de bien | Ce sera comme la rosée du ciel sur mon âme ; ce sera comme du baume dans des plaies ouvertes. Ah ! ne peux-tu donc me ressouffler cette flamme au cœur ? Parle-moi de cette Margarita qui enleva, sans le savoir, le velouté des fleurs de ton âme ; des misérables lâches à qui tu permis de les froisser ; de ton mari, qui te les rejeta flétries quand tu les lui eus prodiguées ; et du plus aimé de tous, qui les consuma jusqu’aux racines ! Dis-moi que, celui-là, tu l’aimes toujours ; dis-moi que ce n’est pas vrai qu’il soit oublié ! qu’on n’oublie pas un homme aimé d’une adoration si prosternée ! que sur son souvenir luit à jamais un rayon de cette merveilleuse flamme qui lui lampait sur le front, aux jours des baisers et des étreintes, dans ces nuitées pleines de pâmoisons et d’extases ! Montre-moi la place de ce portrait, — si longtemps porté, m’as-tu dit, que la marque en est restée dans ta chair. Oh ! je veux la voir sur ton sein. — Et il quittait le cou meurtri par ses ongles, et s’acharnait sur le vêtement modeste qu’elle portait la nuit sur sa poitrine. — Allons, sois franche avec moi, Yseult ! Avoue-moi que tu m’as trompé, que j’étais un enfant de te croire, que tu l’aimes toujours, ton bel Octave ; que tu penses à lui toujours, toujours, et qu’en ce moment je fais aller plus vite dans tes veines ton sang, à son nom prononcé ! Oh ! poi-