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quelque halètement vers l’impossible qui renferme le problème de la mort bien plus que le temps ? Les observateurs superficiels auraient dit, en voyant Allan, qu’il se remettait bien difficilement de la maladie dont il avait failli mourir. Mais, hélas ! le mal était plus intime encore que s’il avait été aux sources de la vie, — quoiqu’il les épuisât aussi dans les voluptés furibondes et tristes dont il se repaissait, solitaire, dans les bras glacés de madame de Scudemor.

Après les jours, il lui avait fallu les nuits. Les nuits non par fragments hâtés, mais entières ; et cette femme, à qui il ne disait je veux que dans les emportements de sa passion pour elle et qui l’aurait jeté à genoux avec un regard, avait plié la tête comme une humble servante et n’avait pas demandé que le calice s’éloignât. D’ailleurs ne valait-il pas mieux, pensait-elle, traverser ce désert de feu dont elle voulait sortir Allan, que de l’y traîner pas à pas ? Elle accomplissait son œuvre de dévouement et de pitié avec une soumission glorieuse aux vues de son mâle esprit, détrempé dans la réalité des passions dont elle connaissait toutes les phases.

La porte de la chambre de Camille s’ouvrait dans l’appartement de madame de Scudemor. De peur d’éveiller des soupçons redoutables et d’autoriser d’embarrassantes questions, madame de Scudemor ne pouvait guère placer Camille dans une autre chambre du château. Allan ne venait donc chez Yseult que quand la nuit était avancée. Il était obligé d’attendre que le sommeil de Camille fût assez profond pour ne plus craindre de le troubler du bruit d’une porte ou d’un craquement de parquet sous un pied maladroit. Alors, quand le château était plongé dans le