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XVIII

Les Saules, habituellement si pleins de monde, présentaient un aspect inaccoutumé en cet automne de 1845, habités seulement par ces trois personnes, madame de Scudemor, sa fille et Allan de Cynthry, ce jeune homme qu’elle y amenait tous les ans et qu’on aurait pu si aisément prendre pour son fils. Ils n’étaient plus que trois dans ces grands appartements vides, trois à se promener dans les vastes allées du jardin muet. La grille, du côté opposé au marais, ne s’ouvrait plus guère qu’une fois le jour pour laisser passer la calèche de madame de Scudemor, qui allait promener sur les routes avoisinantes une heure ou deux, le soir, au grand intérêt des jeunes filles qui revenaient alors de journée et qui regardaient passer ces trois personnes, belles et pâles, à demi couchées dans la gracieuse gondole de la calèche, balancée sur ses roues étincelantes, à ces rayons soyeux d’un soir si doux d’octobre, en Normandie, que la femme la plus délicatement belle peut les recevoir en plein visage, son voile levé.

Parfois Camille restait au château. Ces jours-là, Allan les bénissait. Il pouvait parler à madame de Scudemor de son amour, car, ainsi qu’on l’a vu, l’intimité entre elle et lui ne