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XV

Pendant la maladie d’Allan, Camille, à qui, on l’a vu, sa mère avait permis seulement de venir s’informer du malade à la porte de l’appartement qu’il habitait, Camille avait vécu dans l’indépendance de l’isolement. Madame de Scudemor, effrayée du danger d’Allan, n’avait plus d’yeux que pour lui. La surveillance de sa fille se perdait dans une surveillance bien autrement anxieuse. On n’y a pas assez réfléchi, le sentiment maternel qui vient des entrailles, c’est-à-dire de plus bas que le cœur, perdrait de la sainteté de son caractère si un souvenir ou un regret ne le sauvaient pas des instincts seuls de l’animalité. Croyez-le ! la mère n’est si belle que quand elle est un débris de l’amante. Bonheur passé, peine ressentie, dédommagement d’une attente trompée, voilà la gloire mystérieuse qui luit autour de la tête d’un enfant chéri, l’étoile pâle qui se baigne éternellement dans l’eau murmurante des larmes dont le cœur est la source, le secret de ces délectables tendresses, de ces regards passionnés de toutes les passions et qui tombent, bénissants et suaves, sur un fils stupide ou une fille laide comme un baiser de Dieu sur la nature ! Mais quand l’amour, cette tunique sans couture qui enveloppait deux