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couronne d’étoiles. Je ne suis pas digne de la porter.

« Allan, vous voulez de l’amour en échange du vôtre. Aussi me niez-vous obstinément ma pitié. Vous ne comprenez pas que sans amour je ne vous aie pas repoussé, mais c’est que vous ne connaissez pas, mon ami, ce qu’est la pitié au cœur des femmes. Je l’ignorais comme vous, avant d’avoir vu vos combats et vos défaillances. Mais, croyez-moi, c’est quelque chose de bien éternel et de bien irrésistible puisque moi, qui avais acheté assez cher l’empire que j’avais sur moi, je n’ai pu me défendre de ce sentiment trop méprisé… Ah ! la pitié, c’est de l’amour sans le bonheur qu’il donne. Voilà pourquoi ce n’est pas de l’amour !

« Si vous aviez aimé une autre que moi, Allan, une autre à qui un peu de jeunesse de cœur fût restée, peut-être ce qui fait les trois quarts de l’amour dans les femmes aurait-il suffi à vos ardeurs. Cette pitié aurait ravivé d’expirantes tendresses, r’ouvert la source des pleurs mal essuyés, et fait éclore un dernier enchantement du sein de toutes ces mélancolies. Elle aurait pleuré sur vous et sur elle. Elle vous aurait dit de la soutenir. Elle vous aurait embrassé comme la dernière colonne de son temple, et vous vous seriez perdu dans toutes ces tendresses qui eussent été de l’amour encore, une félicité bien voulue, un rayon de soleil tardif, mais d’autant plus doux, dans ce feuillage flétri d’automne trempé des pleurs d’un ciel affligé ! Pourquoi ne suis-je pas de ces Élues qui se déprennent lentement de l’existence, et qui se serrent contre elle avec le regret de la quitter ? Pourquoi vos bras, autour de mon cou, ne m’ont-ils pas fait un collier d’illusions dernières ? Pourquoi mon cœur, ce vieillard transi, ne se réchauffe-t-il pas à ce soleil ?… Pourquoi, aux heures où vous cherchez