Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CE QUI NE MEURT PAS

I

Il y a, dans quelques parties de la Basse-Normandie, — et notamment dans la presqu’île du Cotentin, — des paysages tellement ressemblants à certains paysages d’Angleterre que les Normands qui jetèrent l’ancre de l’une à l’autre de ces contrées purent croire, à ces places du pays qu’ils venaient de conquérir, n’avoir pas changé de patrie. Cette ressemblance, du reste, exerça probablement peu d’influence sur l’imagination farouche de nos aïeux, ces Rois de la mer, pour qui la Mer elle-même, avec ses sublimes étendues, n’était qu’une grande route, audacieusement suivie, vers des proies et des pillages inconnus flairés de loin par ces lions marins, avec leur instinct de pirates… Mais pour nous, qui sommes leurs descendants, pour nous, assis depuis des siècles sur les rivages qu’ils ont gardés, et dont l’imagination moderne aime à contempler à loisir les pays qu’ils n’eurent, eux, souci que de prendre, la ressemblance entre les paysages anglais et les paysages