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XII

Si Allan n’avait pas aimé autant qu’il le faisait madame de Scudemor, ou si, volonté plus énergique, il avait pensé à garder immaculée la fierté de son amour blessé par elle, il l’aurait englouti dorénavant dans son cœur. On ne veut pas guérir, mais on sourit noblement par dessus sa blessure ; malheureusement Allan appartenait à une époque où l’éducation religieuse n’existait pas plus qu’aujourd’hui, et où l’on sacrifiait tout aux développements intellectuels et sensibles. À une pareille époque, un caractère doit se former bien lentement, quand l’homme ne meurt pas à la peine. De plus, ne l’oublions pas, Allan avait dix-sept ans.

Telle fut la raison pour laquelle l’impression aride que lui avait causée madame de Scudemor, en se faisant volontairement la victime de sa pitié, à elle, et de son amour, à lui, ne produisit dans le cœur ardent et faible de ce jeune homme aucun résultat fort et grand. C’était un homme à la bavette qu’Allan, comme la plupart des hommes de son temps, même plus âgés que lui.

La poétique imagination par laquelle toute la vie lui arrivait, trouva dans la conduite de madame de Scudemor