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XI

Trois heures de relevée venaient de sonner et le temps était à l’orage ; une chaleur de cuivre rougi tombait à pic des nues alourdies, et les hirondelles rasaient la terre de leurs ailes peureuses. Vainement, pour donner de l’air à sa chambre, on avait ouvert la fenêtre d’Allan. De cette fenêtre, d’où l’on embrassait le marais qui faisait face au château des Saules, on pouvait voir s’amonceler l’orage qui s’annonçait dans le ciel chargé. Le soleil, dévorant toute la journée, avait disparu sous de gros nuages sombres d’un bleu foncé, jetant seulement par leurs anfractuosités un rayon jaune et glauque qui fendait sinistrement l’espace. On étouffait dans une chaleur sous-nue, pire que la chaleur solaire. Le marais lui-même, avec ses eaux et ses herbes, n’avait plus de fraîcheur. Les herbes brûlaient, et les mille mares encastrées dans ces herbes semblaient bouillir. Il fumait, au loin, d’une vapeur embrasée et rougeâtre comme un reflet d’incendie ; et, — puisqu’il n’y avait pas une haie dans cette vaste étendue, — immobiles comme si elles avaient fait partie du sol, les nombreuses vaches blanches et pourprées du marais, aux yeux ronds languissamment tournés vers l’horizon vide, n’avaient pas même la force d’envoyer