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silence, — hélas, ne s’étaient-ils pas tout dit ? — le long des vastes et droites allées du jardin. La lune, réverbérée par les vitrages du toit en pente de la serre, faisait étinceler les mille stalactites mêlées au sable des allées, comme des pierreries sur un fond d’or blanc. Tout était immobilité et lumière dans le large jardin, excepté le groupe noir de ces deux promeneurs nocturnes qu’une imagination effrayée aurait prise pour quelques rôdeurs de la tombe. À eux deux, ils avaient presque l’apparence fantastique d’une Vision, la femme soutenant et entraînant le jeune homme ; et on aurait pensé, à voir la débilité du jeune homme et le calme infini de la femme, qu’elle devait être moins pour lui une Providence qu’une Destinée.

Le château était noyé dans la nacre du clair de lune et semblait dormir. Tout y reposait en silence. Les veilleuses mêmes y étaient éteintes ; car aucun reflet de leurs teintes dorées ne venait expirer aux fenêtres, blanchies par la lune. Seulement, à l’une de ces fenêtres, un rideau de soie verte longtemps soulevé échappa à la main qui le retenait, — et, négligemment, retomba.