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en les regardant, et on ne rêve pas, tant ces êtres-là sont factices !

Quoique la main sévère et positive de Huc aime à toucher le fond des choses, à sonder l’artère, il a su la promener aussi sur les superficies, sur l’épiderme, et, s’il nous a cassé un peu notre vieille Chine de porcelaine, il nous en a, du moins, rapporté un bon morceau. Que les poètes et les amateurs du genre chinois se consolent donc en le lisant, mais qu’ils le lisent, et, le dégât fait par notre voyageur dans beaucoup de préjugés traditionnels, ils verront que si le peuple qu’il a peint n’est pas un grand peuple, c’est encore une curiosité. Elle est moins fantastique, cette curiosité, moins falote, moins par-dessus les moulins qu’on ne croyait, mais elle est une réalité toujours intéressante pour ceux qui se préoccupent de l’artificiel et du tourmenté dans les formes humaines. L’abbé Galiani disait, nous l’avons cité déjà : « Il est des empires qui ne sont jolis que dans leur décadence. » Certes ! on ne peut pas dire que jamais, dans aucun temps, la Chine ait été absolument jolie, mais si l’expression proverbiale a raison en parlant de belles laideurs, il doit y avoir de jolies laideurs aussi. Or, c’est une de ces laideurs-là qu’a la Chine, et, pour les amateurs du Bizarre, la décadence qui la disloque ne manquera pas d’y ajouter !

Quant à nous, qui avons cherché dans le livre de Huc une occasion d’être juste envers un pays pour le-