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torité paternelle, que Huc nous montre, comme le reste de cet empire, qui s’évapore en formules, ne reprendra pas le sceptre domestique échappé de ses mains. La famille dissoute (le croira-t-on ?) dans le mépris des enfants pour la mère, ne reboira pas la vigueur et la vie dans ce lait des mères, méprisé comme l’eau. Tout ce qui fit la Chine un jour, tout ce qui éleva et maintint ce peuple bizarre en équilibre sur ses bizarres institutions, est aujourd’hui tombé, pièce à pièce, dans le rationalisme, cette doctrine philosophique, tout unie, qui cache un gouffre comme les lacs, tout unis aussi, dans lesquels les Villes Maudites ont disparu. Le rationalisme est, intellectuellement, le dernier terme pour les nations. Philosophie peu compliquée qui succède à toutes les autres et vient engloutir les systèmes qui demandaient au moins un effort de cerveau pour les créer ou pour les comprendre, elle est simple comme les quatre planches très simplement jointes qui forment un cercueil ! C’est un cercueil philosophique et social. Cela étendu sur la pensée, elle n’a plus qu’à éternellement dormir. Huc qui, comme Abel Rémusat, a trouvé qu’il n’y avait rien de moins immobile que l’immobile Asie, nous donne dans son livre l’histoire d’une philosophie sociale qui remua tout en Chine, dans le XIe siècle, sous la fameuse dynastie des Song, et qui a mille rapports curieux avec le Socialisme moderne de l’Occident. Or, cette palpitation fébrile de l’esprit philoso-