Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amour du roi ! Ce n’est plus du petit et imperceptible Grignan qu’il s’agit, c’est de toute la noblesse de France à la fin du XVIIe siècle ! C’est de cette noblesse qui était l’honneur des monarchies « fondées sur l’honneur », a dit Montesquieu, qui s’y connaissait, et qui eût pu en écrire l’histoire. Mais consolons-nous ! Il est remplacé. Ce qui me fait penser à Montesquieu dans cette histoire, c’est quelque chose que j’y trouve de l’impartialité élevée de Montesquieu. Et c’est même plus que de l’impartialité ! L’auteur du Marquis de Grignan n’a, lui, ni orgueil blessé, ni basse envie, ni ressentiment, ni mauvais sentiment quelconque contre la société de Louis XIV, contre cet ancien régime que tant de lâches historiens, qui l’ont fusillé et enterré, déterrent comme les bleus déterrèrent Charette, pour le refusiller encore !  ! Je crois même sentir en le lisant qu’il a peut-être du goût pour cette société qui n’est plus, et qui sait ? de l’amour, — un amour rétrospectif pour elle… Ordinairement écrite par la Haine, elle a un accent ici sur lequel il n’est pas possible de se méprendre… Et c’est là ce qui donne à cette histoire sa délicate originalité, et, sous une forme quelquefois ironiquement charmante, sa lucidité pénétrante et sa profondeur.