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Correspondance qu’il publie, les diplomaties que voici ont pu voir, mais elles n’ont pas prévu grand’chose. Elles ont vu, comme tout le monde, ce qui maintenant crève les yeux à tout le monde, et ce qui les lui crevait déjà de leur temps, c’est-à-dire la bataille, exaspérée partout, de la Révolution contre ce qui reste de monarchies ! Le livre des Deux Diplomates n’atteste que les incertitudes et les troubles de leurs prévisions. Ils ont vu juste, mais à leurs pieds. Ils n’ont pas vu plus loin d’une vue ferme… Ils n’ont pas plus pénétré dans l’avenir que leurs devanciers, autrement forts qu’eux, les Bonald, les de Maistre, les Lamennais, ceux-là qu’on peut appeler les grands prophètes. Eux, ils ont été les petits… Ils ont été secoués par les événements contemporains, mais fécondés, non ! Raczynski, opposé à l’idée de l’empire d’Allemagne, qu’il regardait comme un piège tendu par la Révolution à la Prusse, n’avait pas prévu la constitution de son unité et l’homme robuste qui s’appelle Bismarck ! Donoso Cortès n’avait pas prévu davantage que l’Empire, sorti d’un coup d’État et qu’il a bien jugé dans son effet immédiat, serait un temps d’arrêt infligé, pendant dix-huit ans, à la Révolution, qui n’a vaincu que parce que l’Empire, mal inspiré, après l’avoir été si bien, s’est lâchement abandonné à elle. Diplomates tous deux, ils n’ont influé, ni Donoso Cortès sur la situation de l’Espagne, livrée dès ce temps-là à une anarchie qui allait épouvantablement s’accroître, ni