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mais qui ne fut pas toujours sublime, c’est Montesquieu qui fixa, car il ne l’avait pas inventée, cette manière hautaine de faire de l’histoire. C’est au succès de son Esprit des lois et de sa Grandeur et décadence des Romains que nous devons ces livres qui ont la prétention de planer sur l’histoire pour la mieux voir, et qui ont tous les inconvénients des ballons, d’où l’on ne voit les choses que de haut en bas et qui passent… Je ne connais rien de plus prolifique que le succès, ce générateur de sottises ; mais c’est son expiation — et elle est cruelle ! — que les imitateurs qu’il pond.

II

Il faut donc le signaler d’abord : Faliés est, consciemment ou inconsciemment, peu importe ! sorti de Montesquieu. Il dédaigne l’histoire vue de niveau pour l’histoire vue d’en haut, l’histoire qui marche pour l’histoire qui plane, l’histoire qui développe et déduit pour l’histoire qui résume. Il n’est pas dégoûté ! Fatuité d’aigle que cette histoire-là, mais qui ne sied qu’aux aigles ! Or Faliés est d’une autre espèce. Au lieu de s’astreindre aux conditions de temps et d’espace qui enserrent l’histoire comme la vie, il fait l’aigle, s’abat où il lui plaît, prend l’histoire où il veut la prendre, et procède même méthodiquement, comme Montes-