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temps passer à travers la tête de Joseph de Maistre, et s’y teindre des idées et des couleurs de ce grand esprit éclatant ! Quel envers à l’histoire de Thiers sur le Consulat et l’Empire, que cette correspondance du comte de Maistre ! Cependant, ce n’est ni cette histoire écrite à ce point de vue qu’en France n’accepterait personne, ni cette curieuse rencontre de Joseph de Maistre jugeant confidentiellement Napoléon, qui sont l’intérêt le plus vif de cette piquante publication. Avant de l’avoir lue, nous nous doutions bien du genre de jugements qu’on y trouverait (à part les arrangements d’Albert Blanc, bien entendu). L’esprit le plus absolu, mais aussi le plus élevé qu’ait produit l’ancien régime expirant, l’auteur illustre du Pape, des Soirées de Saint-Pétersbourg et du Bacon, ne pouvait être compté parmi ces jaloux contemporains de Napoléon qui ont parlé de lui avec la voix de femme de la jalousie : madame de Staël, Marmont, Chateaubriand !

Nous nous doutions bien de la haine de Joseph de Maistre contre celui qu’il appelle le Dæmonium meridianum, mais nous savions aussi à l’avance que cette haine ne serait jamais mesquine, et, de fait, la haine de de Maistre est taillée à la grandeur de l’homme qui l’inspire ! Elle lui fait encore piédestal. Tout cela, facile à prévoir, n’est donc pas pour nous comparable à l’impression que doit causer le ton d’un livre écrit par un esprit qui passait pour violent, — ce qui n’était peut-être pas une calomnie, — et qui a résolu incroya-