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    Exemple, lord Byron qui avait le cou si beau ! D’un autre côté, d’Orsay fut un artiste. De cette main qu’il donnait trop, ― car la coquetterie règne bien plus par ce qu’elle refuse que par ce qu’elle accorde, ― il sculptait, et non pas comme Brummell peignait ses éventails pour des visages faux et des têtes vides. Les marbres laissés par d’Orsay ont de la pensée. Ajoutez à ce talent de sculpteur qu’il avait bien failli être un écrivain, et qu’à vingt-trois ans il avait mérité cette fameuse lettre de Byron à Alfred D… qu’on trouve dans ces fameux Mémoires où la lâcheté de Moore a remplacé les noms par des astérisques et les anecdotes piquantes par des points… (Aimable homme que ce Moore !) Quoique fat, d’Orsay fut aimé par les femmes les plus fates de son temps. On ne parle pas des naturelles : il n’y en a jamais que deux ou trois dans un siècle ; à quoi bon en parler ? Il a même inspiré une passion qui dura et qui restera historique. Les Dandys, eux, ne sont aimés que par spasmes. Les femmes, qui les détestent, ne s’en donnent pas moins très bien à eux, et ils ont cette sensation qui vaut pour eux beaucoup de livres sterling, de presser des haines dans leurs bras… Quant à ce duel charmant de d’Orsay, jetant son assiette à la tête de l’officier qui parlait mal de la Sainte Vierge et se battant pour elle, parce qu’elle était femme et qu’il ne voulait pas qu’on manquât de respect à une femme devant lui, quoi de moins dandy et de plus français ?…