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d’ampleur pour se condenser et tenir dans des épigrammes. Des mots spirituels qui l’exprimaient, il la faisait passer dans ses actes, dans son attitude, son geste et le son de sa voix. Enfin, il la pratiquait avec cette incontestable supériorité qu’elle exige entre gens comme il faut pour être subie ; car elle touche à la grossièreté comme le sublime touche au ridicule, et, si elle sort de la nuance, elle se perd. Génie toujours à moitié voilé, l’Impertinence n’a pas besoin du secours des mots pour apparaître ; sans appuyer, elle a une force bien autrement pénétrante que l’épigramme la plus brillamment rédigée. Quand elle existe, elle est le plus grand porte-respect qu’on puisse avoir contre la vanité des autres, si souvent hostile, comme elle est aussi le plus élégant manteau qui puisse cacher les infirmités qu’on sent en soi. À ceux qui l’ont, qu’est-il besoin

    ils n’en respirent pas moins, quelque bien organisés qu’ils soient, la contagion de l’affreux puritanisme. Ils vivent dans cette tour de la Peste, et une pareille habitation est malsaine. C’est pour cela qu’ils parlent tant de dignité. Ils croiraient peut-être en manquer s’ils s’abandonnaient à la frénésie de l’esprit. Ils vivent toujours sur l’idée de dignité comme sur un pal, — ce qui, ― si souple qu’on soit, ― gêne un peu la liberté des mouvements et fait tenir par trop droit.