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duisent ces affectations charmantes qui ont remplacé le naturel. La perle du dandysme tombée à Manchester, ville de manufacture, c’est aussi monstrueux que Rivarol à Hambourg !

Il sauva l’avenir de sa renommée : il resta à Londres. Il prit un logement dans Chesterfield Street, au no 4, en face de Georges Selwyn, ― un de ces astres de la mode qu’il avait fait pâlir. Sa fortune matérielle, assez considérable, n’était point au niveau de sa position. D’autres, et beaucoup, parmi ces fils de lords et de nababs, avaient un luxe qui eût écrasé le sien, si ce qui ne pense pas pouvait écraser ce qui pense. Le luxe de Brummell était plus intelligent qu’éclatant ; il était une preuve de plus de la sûreté de cet esprit qui laissait l’écarlate aux sauvages, et qui inventa plus tard ce grand axiome de la toilette : « Pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué. » Bryan Brummell eut des chevaux de main, un excellent cuisinier et le home d’une femme qui serait poète. Il donnait des dîners délicieux où les convives étaient aussi choisis que les vins. Comme les hommes de son pays et surtout de son époque[1], il

  1. Tous buvaient, depuis les plus occupés jusqu’aux plus oisifs, depuis les lazzaroni de salon (les Dandys)