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toute une manière d’être, et l’on n’est pas que par le côté matériellement visible. C’est une manière d’être, entièrement composée de

    et spirituelle… Ce n’est pas un habit qui marche tout seul ! au contraire ! c’est une certaine manière de le porter qui crée le Dandysme. On peut être Dandy avec un habit chiffonné. Lord Spencer le fut bien avec un habit qui n’avait plus qu’une basque. Il est vrai qu’il la coupa et qu’il en fit cette chose qui, depuis, a porté son nom. Un jour même, le croirait-on ? les Dandys ont eu la fantaisie de l’habit râpé. C’était précisément sous Brummell. Ils étaient à bout d’impertinence, ils n’en pouvaient plus. Ils trouvèrent celle-là, qui était si dandie (je ne sais pas un autre mot pour l’exprimer), de faire râper leurs habits avant de les mettre, dans toute l’étendue de l’étoffe, jusqu’à ce qu’elle ne fût plus qu’une espèce de dentelle, ― une nuée. Ils voulaient marcher dans leur nuée, ces dieux ! L’opération était très délicate et très longue, et on se servait, pour l’accomplir, d’un morceau de verre aiguisé. Eh bien ! voilà un véritable fait de Dandysme. L’habit n’y est pour rien. Il n’est presque plus.

    Et en voici un autre encore : Brummell portait des gants qui moulaient ses mains comme une mousseline mouillée. Mais le Dandysme n’était pas la perfection de ces gants qui prenaient le contour des ongles, comme la chair le prend, c’était qu’ils eussent été faits par quatre artistes spéciaux, trois pour la main et un pour le pouce*.

    Thomas Carlyle, qui a écrit un autre livre intitulé