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Mademoiselle prit le parti dans son angoisse de ne plus paraître à la cour. Eh bien ! ce fut Lauzun qui l’y repoussa et qui lui dit que c’était mal de se tenir si longtemps éloignée du roi. Quand elle rencontrait Lauzun, elle pleurait et criait, n’importe où elle fût. L’homme d’acier qui se servait de son acier pour déchirer davantage ce cœur de princesse, dans l’intérêt de la passion qu’il lui inspirait, alla jusqu’à lui dire : « Si vous continuez ainsi, je ne me trouverai jamais où vous serez. Je resterai dans ma chambre… » Et elle n’osait plus, dit-elle, pleurer devant lui !

Après la rupture du mariage, le roi donna un gouvernement à Lauzun, ce qui fit dire à Mademoiselle : « Je ne serai jamais contente de ce que le roi fait que lorsqu’il m’aura donnée à vous. Jusque-là je me trouverai insensible à toutes vos élévations. » Son mariage rompu, Lauzun affecta de négliger sa toilette[1], ce qui

  1. Je crois qu’il l’arrangea plutôt… Elle dut être hypocrite comme toute sa conduite. Il n’était pas homme à se fourrer de la cendre sur la tête comme un Juif dans l’affliction. S’il s’en mit, ce fut bien légèrement. Seulement l’œil de poudre d’un chagrin qui n’enlaidit pas et qui intéresse. Lauzun était trop Dandy de nature pour oublier l’effet extérieur. Les Dandys s’en préoccupent toujours. Rappelez-vous dans Stendhal (le Rouge et le Noir) le Dandy russe prescrivant à Julien Sorel la mélancolique cravate noire, toutes les fois qu’il remet à la femme de chambre de la personne qu’il aime les fameuses lettres auxquelles elle ne répond pas…