Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/350

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moines, fuyards de leur abbaye et en rupture de vœux, contemporains du père Mesnilgrand — deux ou trois prêtres soi-disant mariés, mais en réalité concubinaires, et, brochant sur le tout, un ancien représentant du peuple, qui avait voté la mort du Roi… Bonnets rouges ou schakos, les uns révolutionnaires à tous crins, les autres bonapartistes effrénés, prêts à se chamailler et à s’arracher les entrailles, mais tous athées, et, sur ce point seul de la négation de Dieu et du mépris de toutes les Églises, de la plus touchante unanimité. Ce sanhédrin de diables à plusieurs espèces de cornes était présidé par ce grand diable en bonnet de coton, le père Mesnilgrand, à la face blême et terrible sous cette coiffure, qui n’avait plus rien de bouffon avec pareille tête par-dessous, et qui se tenait droit au milieu de sa table, comme l’Évêque mitré de la messe du Sabbat, vis-à-vis de son fils Mesnil, au visage fatigué de lion au repos, mais dont les muscles étaient toujours près de jouer dans son mufle ridé et de lancer des éclairs !…

Quant à lui, disons-le, il se distinguait — impérialement — de tous les autres. Ces officiers, anciens beaux de l’Empire, où il y eut tant de beaux, avaient, certes ! de la beauté et même de l’élégance ; mais leur beauté était régulière, tempéramenteuse, purement ou impu-