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tel nom semblait annoncer une destinée. L’ancien prévôt, qui aimait son métier presque autant que sa fille, résolut de lui apprendre et de lui laisser son talent pour dot. Triste dot ! maigre pitance ! avec les mœurs modernes, que le pauvre diable de maître d’armes ne prévoyait pas ! Dès que l’enfant put donc se tenir debout, il commença de la plier aux exercices de l’escrime ; et comme c’était un marmot solide que cette fillette, avec des attaches et des articulations d’acier fin, il la développa d’une si étrange manière, qu’à dix ans elle semblait en avoir déjà quinze, et qu’elle faisait admirablement sa partie avec son père et les plus forts tireurs de la ville de V… On ne parlait partout que de la petite Hauteclaire Stassin, qui, plus tard, devait devenir Mademoiselle Hauteclaire Stassin. C’était surtout, comme vous vous en doutez, de la part des jeunes demoiselles de la ville, — dans la société de laquelle, tout bien qu’il fût avec les pères, la fille de Stassin, dit La Pointe-au-corps, ne pouvait décemment aller, — une incroyable, ou plutôt une très croyable curiosité, mêlée de dépit et d’envie. Leurs pères et leurs frères en parlaient avec étonnement et admiration devant elles, et elles auraient voulu voir de près cette Saint-Georges femelle, dont la beauté, disaient-ils, égalait le talent d’escrime. Elles ne la voyaient que de